Bidonvilles en Seine-Saint-Denis, images et représentations

Si les bidonvilles ont une histoire, quasiment sans trace dans le paysage urbain, ce terme si explicite a également un passé riche d’enseignements sur la perception du phénomène et ses traitements politiques. Né en «Afrique du Nord » dans un contexte colonial où se mêlaient déséquilibre et explosion démographiques, exode vers les villes, croissance urbaine anarchique et injustices sociales, le terme de bidonville fut importé vers la métropole du temps des guerres coloniales (principalement la guerre d’Algérie) et il triompha lors de la dernière décade des « Trente glorieuses », alors que l’immigration vers la France était encore massive et organisée. Il charrie ainsi avec lui des représentations stéréotypées et parfois fantasmes et phobies. Pour étudier des réalités aujourd’hui disparues (dans leur unicité), les images et représentations des bidonvilles sont d’autant plus indispensables qu’elles éclairent des choix politiques qu’elles ont souvent contribuées à modifier. Après l’origine du mot et l’étude des  images et représentations des bidonvilles, un troisième paramètre nous paraît fort utile pour appréhender ce phénomène : le cadre territorial, en l’occurrence départemental. Le département semble, en effet, la bonne échelle pour dépasser la monographie de site et ainsi mieux saisir une réalité complexe et mouvante : c’est à partir de la première décentralisation en juillet 1964 et de la création de la région Île-de-France, que les préfets eurent la charge d’éradiquer un phénomène qui faisait scandale (et ils eurent parfois recours au travail photographique). La démographie (l’extrême densité des bidonvilles de Nanterre et de Champigny-sur-Marne), l’histoire (celle de la guerre d’Algérie en premier lieu) et l’historiographie (les travaux pionniers de Marie-Christine Volovitch-Tavarès, Eliane Dupuy et Abdelmalek Sayad) ont focalisé les regards sur les bidonvilles de Nanterre et de Champigny-sur-Marne mais le semis ou réseau de bidonvilles qui ont parsemé la Seine-Saint-Denis permettent d’observer une réalité complexe, longtemps enfouie puis un temps surexposée 2. La Seine-Saint-Denis, par la diversité et les spécificités de ses bidonvilles et la richesse de l’iconographie qui s’y rattache, constitue un objet d’étude à part entière.

Tangui Perron et Benoit Pouvreau

Claude Dityvon – La Courneuve – 1967
Pierre Douzenel / F. Douzenel – Le Franc-Moisin – Sans date