Filmer les communistes. Les pellicules du fantôme.

Dans une phrase paradoxale et désormais fort célèbre Deleuze remarquait que les grands cinéastes français (Grémillon, Resnais, les Straub…) étaient aussi ceux qui avaient filmé «le peuple qui manque». Environ quinze ans plus tard, dans «Libération», en 1991, Serge Daney appelait de ses voeux un cinéaste (il n’en trouvait pas) capable de filmer un «communiste pur bœuf». On le sait, le cinéma français est peu historique et politique. Cependant, à force de le dire et répéter, on risquerait de ne pas voir que depuis plusieurs années déjà, dans ce domaine également, les choses commencent à changer.

Certes, quand on constate que «Le cuirassé Potemkine» (1925) fut seulement autorisé en France en 1952 – soit peu avant la guerre d’Algérie qui vit un renforcement de la censure, on peut supposer qu’il n’était guère évident pour les cinéastes qui l’auraient voulu de filmer des communistes, en dehors d’une appréhension comique et en définitive consensuelle, si ce n’est convenue (Pépone dans la série des «Don Camillo», entre autre réalisée par Duvier à partir de 1952). 1968 marque par contre une irruption massive, nouvelle, de la politique dans la société française. Cela eut quelques incidences sur le cinéma. Rohmer qui semble bien être un homme de droite – savoir si son cinéma est de droite est un autre débat – confie à Antoine Vitez dans «Ma nuit chez Maud» (1969), un beau personnage d’intellectuel communiste, marxiste en tout cas, dont le goût assumé pour la théorie et le verbe l’empêche de vivre concrètement ses penchants amoureux. Parallèlement, une certaine tendance du cinéma d’extrême gauche (comme dans quelques films de Marin Karmitz) construisait le modèle du dirigeant ouvrier « PC-CGT », apparatchik généralement cravaté et borné, dont une brève esquisse se trouve dans le célèbre court documentaire (militant), «La reprise du travail aux usines Wonder» (1968). Resnais, surtout («La guerre est finie», 1966, et «Mon oncle d’Amérique, 1980) et Tavernier («L’horloger de Saint-Paul», 1974) glissent également des personnages de communistes au sein de certains de leurs films, personnages non pas condamnés par l’Histoire (ni par le réalisateur) mais fatigués ou déçus par cette première.

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La guerre est finie d’Alain Resnais (1966)