Les films syndicaux ou la trilogie cégétiste du Front populaire

Pendant longtemps les deux films de Jean Renoir, La vie est à nous  (1936), produit par le Parti communiste dans le cadre de la campagne électorale des élections législatives, et La Marseillaise (1938), en partie financée par une souscription populaire organisée par la CGT, ont été les deux arbres, l’un franchement communiste, l’autre très « Front populaire », qui ont masqué une forêt de films produits et diffusés par des réseaux militants particulièrement vivaces, réseaux (de gauche) tentant de marier culture, distraction et propagande.  La CGT ne s’est pourtant pas contentée de participer activement à l’aventure de La Marseillaise; l’organisation syndicale a en effet été à l’origine, autour de 1938, de trois « films fédéraux », Sur les routes d’acier, Les bâtisseurs et Les métallos, soit les films des fédérations des cheminots, des travailleurs du bâtiment  et des métallurgistes, respectivement réalisés par Boris Peskine, Jean Epstein et Jacques Lemare.

S’interroger aujourd’hui sur les conditions d’éclosion de ces films nous conduit à appréhender une partie des rapports de la CGT avec le cinéma – entendu comme outil de propagande mais aussi comme milieu professionnel ; analyser  leur contenu permet également de situer les représentations confédérales du travail et des métiers, de l’histoire et de la nation ; enfin, après ces regards extra et intra diégétiques, il est possible d’esquisser une étude comparative, à la fois synchronique et diachronique, des différences existants entre ces trois films du point de vue des histoires respectives des fédérations, des parcours des réalisateurs et aussi des moments précis où ces oeuvres ont été produites (sous cet angle, dans le contexte du Front populaire, une variation de quelques mois peut être capitale).

Défilé des ouvrières de l’Industrie du film et de leur syndicat (SGTIF) en 1936